
France et Italie : des sociétés sans enfants ?
Matteo CAGLIONI
Equipe Dynamiques Territoriales
Rattachement : Université Côte d'Azur (UCA)
École Polytechnique de Milan (Italie) Diplôme d’Ingénieur en Environnement et Aménagement du Territoire Sujet
Université de Pise (Italie) Doctorat en Génie Civil « Sciences et Méthodes pour la Ville et le Territoire Européens »

Quels sont les principaux facteurs socio-économiques qui influencent la baisse de la natalité dans ces deux pays ?
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Les raisons sont multiples. Pour les facteurs économiques, c’est lié au travail principalement. Les conditions de travail jouent beaucoup, notamment la précarité des emplois des jeunes aujourd’hui : par exemple, 90% des premiers emplois en France sont des CDD. Le coût de la vie en Europe est aussi un facteur important. Il est de plus en plus élevé, ce qui implique plus de réflexion avant d’avoir un enfant ou de prendre la décision d’en vouloir. La carrière est centrale et prend souvent le pas aujourd’hui sur la potentielle vie de famille. La société (et le coût de la vie qui augmente perpétuellement) veut que la carrière d’une personne soit de plus en plus importante. Cela renforce l'idée qu'il faut d'abord s’assurer d’une certaine stabilité financière avant d’envisager une famille. Un aspect supplémentaire souvent évoqué dans ce débat est la question de l’équité entre les sexes. Il ne s'agit pas simplement d'égalité mais d'équité, c’est-à-dire d'offrir à chacun ce dont il a besoin en fonction de sa situation. Par exemple, dans un couple, il est nécessaire que les deux partenaires travaillent aujourd’hui pour supporter le coût du logement et des enfants, ce qui laisse peu de place au temps familial. De plus, la reconnaissance des rôles de chaque parent, y compris les congés parentaux pour les pères, peut également impacter les choix familiaux. Le manque d'accès à des services de garde d'enfants accessibles peut aussi constituer un frein pour les jeunes couples qui hésitent à avoir des enfants face à ces difficultés organisationnelles. Le vieillissement de la population est également un problème pour les deux pays. Il y a plus de personnes âgées que de naissances, donc moins de jeunes et par définition moins de naissances au fil du temps. Le phénomène est plus accentué en Italie, mais touche aussi la France. Ce vieillissement affecte les politiques publiques et les attentes économiques autour de la famille et de la natalité.
Dans quelles mesures les politiques publiques en place, comme le Family Act en Italie ou les aides aux familles en France, sont-elles efficaces pour soutenir la natalité ?
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Beaucoup de problèmes sont économiques, mais donner des fonds supplémentaires pour avoir des enfants n’est pas forcément la solution la plus efficace. Par exemple, des politiques pro-natalistes ont certes permis une légère hausse de la natalité mais ont aussi donné lieu à des abus, où certaines personnes profitent de ces aides uniquement pour des raisons économiques. Le financement seul ne suffit pas à résoudre les problèmes de natalité, surtout dans des contextes où le coût de la vie est déjà un frein. Il serait plus pertinent d’investir dans des infrastructures sociales et de services pour les familles, comme la garde d'enfants ou des solutions d'aides à domicile pour les personnes âgées, qui sont souvent négligées. Une autre dimension importante serait d'encourager des pratiques de travail plus flexibles, permettant aux parents de jongler entre carrière et famille. Le problème est qu’une solution simple comme l'augmentation des aides financières peut se révéler inefficace si elle n'est pas accompagnée d'une transformation des mentalités et des structures sociales. En effet, certains sont incités à profiter des aides plutôt que de réellement avoir une famille, ce qui montre bien les limites de telles politiques.
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Existe-t-il des différences culturelles marquées qui expliquent la baisse de la natalité dans les deux pays ?
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Historiquement, la conception de la famille, son modèle, diffère entre les deux pays. L’Italie a longtemps conservé un modèle familial plus traditionnel où les rôles des hommes et des femmes étaient plus distincts, avec une forte importance donnée à la famille dans la culture italienne. La France, de son côté, a connu une évolution plus rapide dans l'égalité des sexes et l’intégration des femmes dans le marché du travail. Cela a conduit à une certaine évolution dans les comportements familiaux. La question de l’accouchement et de la parentalité a donc des résonances différentes selon les cultures. En Italie, il est encore plus rare d’avoir des enfants en dehors du mariage, tandis qu’en France, cela est bien plus accepté. Les différences culturelles influencent également la perception de la parentalité : l’idée d’une famille traditionnelle reste plus forte en Italie, alors qu'en France, la famille peut être redéfinie d'une manière plus souple. Mais les deux pays sont confrontés à des défis similaires, notamment le vieillissement démographique et l’évolution des rôles familiaux qui redéfinissent l’importance de la naissance et de la parentalité dans la société.
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Quelles seraient, hypothétiquement, les politiques qui pourraient améliorer la situation ?
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Comme nous l’avons vu, les politiques financières ne sont pas forcément efficaces dans la mesure où l’argent ne résout pas tout et peut desservir l’objectif initial au contraire. Les politiques financières à elles seules ne sont pas toujours efficaces dans la mesure où l'argent ne résout pas tous les problèmes. Cependant, certaines initiatives pourraient améliorer la situation, comme l'instauration d’un congé parental plus équitable entre les pères et les mères, afin de permettre aux deux parents de prendre une part active dans l'éducation de leurs enfants tout en conservant un équilibre avec leur vie professionnelle. Il serait également utile d’introduire une plus grande flexibilité dans les horaires de travail pour que les parents puissent mieux s’adapter aux besoins de leurs enfants sans sacrifier leur vie professionnelle. Par ailleurs, un soutien aux familles dans les premières années de vie des enfants (via des services de garde accessibles, des aides pour la crèche ou encore des aides à domicile pour les familles en situation de précarité) permettrait de lever des barrières économiques et logistiques à la parentalité. Ces initiatives doivent être accompagnées d’un changement de mentalité, en particulier dans les entreprises, pour éviter que la parentalité ne soit perçue comme un handicap professionnel. Il ne s'agit pas seulement d’augmenter le financement, mais de penser à une approche plus globale et intégrée.